Adolescence

& laquo; J ’ai �t� un adolescent pr�coce et timide. A l ’heure o � je go�tais les G�orgiques et o � Virgile, avant Lucr �ce, donnait une forme antique aux �motions confuses qu ’�veillait en moi le spectacle de la nature, je sentis les premi �res fi �vres d ’un sang tumultueux. Je ne courais pas apr �s une jeune paysanne, mais je poursuivais Galat�e sous les saules. Elle fuyait et me laissait d��u. Plus heureux lorsque je r�vais, je serais une nymphe dans mes bras et m�lais mes membres maladroits aux siens. J ’�tais �lev� � la campagne, sans camarades. Le moindre lyc�en aurait pris en piti� mon inexp�rience. Sain et fort jusqu ’ � l ’exc �s, je courais, je nageais, je montais � cheval; je me fatiguais sans arriver � calmer l ’ardeur qui me d�vorait. Ma m �re vivait fort retir�e dans sa propri�t�. Elle ne voyait plus gu �re que des amies de son �ge qui ne faisaient pas grande attention � moi, ni moi � elles. Parfois arrivait de Paris une femme jeune, �l�gante, par�e. Que de d�sirs elle excitait en ce grand gar�on qui restait muet sur sa chaise dans un coin ! Elle causait avec ma m �re et cependant, � distance, sans l ’�couter, je prenais possession d ’elle. Je la d�pouillais de ses v�tements, je l ’�tendais nue sur un divan, je m ’agenouillais pr �s d ’elle, nos vies se confondaient. Mais lorsqu ’ � son d�part je l ’accompagnais jusqu ’ � sa voiture, je ne savais que lui dire. La robe dont elle �tait v�tue la s�parait de moi comme une armure magique sur laquelle on ne peut porter la main sans tomber foudroy�. Comment imaginer que je pourrais la lui enlever? Comment croire que cette personne, amie de ma m �re, je la verrais en chemise et en pantalon, que j ’entourerais sa taille de mon bras, que ma main inexperte s ’approcherait d ’un sein d�licatement fleuri ? Elle m ’adressait la parole. G�n� m�me dans mes regards, je me d�tournais ne sachant que r�pondre. J ’avais quatorze ans... & raquo;