Dans les ruines

Alix de S�zannek avait conscience qu ’une page de sa vie venait de se clore par la mort de son p �re... page tr �s unie, tr �s douce, faite de bonheur simple et de joies religieuses. Une seule souffrance �tait venue l ’assombrir momentan�ment, la mort de sa m �re, arriv�e trois ans auparavant. Madame de S�zannek, en proie aux tortures d ’une incurable maladie, avait �loign� autant que possible ses enfants de son lit de souffrance en les confiant � une institutrice s�rieuse et d�vou�e, et ces jeunes �tres, l ’ayant peu connue, n ’avaient pas ressenti fortement le vide de sa tendresse... Cependant, si peu qu ’Alix en e�t approch�, elle avait subi le charme de cette femme demeur�e belle malgr� ses souffrances, d ’une grave et douloureuse beaut� de martyre... elle avait saisi dans ces yeux gris habituellement voil�s de froideur des lueurs de tendresse ardente. Parfois, �chappant � sa taciturnit�, � cette indiff�rence dont elle s ’enveloppait comme pour �viter d ’attirer l ’affection de ses enfants, Madame de S�zannek avait eu envers eux de rapides et br�lantes effusions... Il en �tait demeur� � Alix une impression tr �s vive, faite d ’amour et de compassion envers cette m �re un peu �nigmatique, et le chagrin de l ’adolescente avait �t� r�el et profond � sa disparition. Mais cette douleur paisible, ce regret m�l� de soulagement � la pens�e de la terminaison de ce long martyre n ’avaient pas eu l ’acuit� de l ’�preuve qui frappait aujourd ’hui la jeune fille. En ces derni �res ann�es, le p �re et la fille s ’�taient mieux connus et aim�s. Deux traits d ’union avaient suffi � rapprocher ces natures dissemblables : l ’art et la bont�... la m�me bont� aimable, irr�fl�chie chez le p �re, forte et d�vou�e chez l ’enfant. En interpr�tant ensemble les chefs-d ’ & oelig;uvre des ma�tres de la musique, ils d�couvrirent mutuellement leurs remarquables qualit� intellectuelles, et le marquis de S�zannek sut appr�cier la pr�coce sagesse, le charme d�licat de cette cr�ature d ’�lite qu ’�tait Alix - autant, du moins, que le pouvait sa nature superficielle et sans souci. De toute l ’ardeur de son jeune c & oelig;ur, Alix s ’�tait attach�e � ce p �re indulgent et gai... Et la mort venait de briser ce lien d ’affection, laissant cette jeune fille de seize ans seule au foyer d�sert avec ses fr �res, deux enfants.